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Le 20 février 2019 s’est déroulée la conférence Homo Connectus & Dr Data, à la cité des Sciences et de l’Industrie, à Paris. A cette occasion, la Chaire Réseaux Sociaux et Objets connectés d’Institut Mines-Télécom Business School a présenté les résultats de l’étude « Impact des nouvelles technologies sur la santé et la qualité de vie des personnes vivant avec une maladie chronique », issue d’une collaboration avec le collectif (Im)patient Chroniques et Associés regroupant 14 associations de patients vivants avec une maladie chronique. (https://www.coalition-ica.org/) Trois chercheurs de IMT-BS y ont participé : Camille Vansimaeys, Lamya Benamar et Christine Balagué (à la tête de la chaire Réseaux Sociaux Et Objets Connectés).
L’étude s’est articulée autour de deux questions :
- Quels usages des technologies numériques ont les personnes vivant avec une maladie chronique et leurs proches ?
- Comment ces usages influencent-ils leur qualité de vie et leurs comportements de santé ?
Patients connectés : une minorité chez les malades chroniques :
1013 questionnaires ont été administrés auprès de malades chroniques (94%) et de leurs proches dans l’optique de recenser les usages qu’ils ont des différentes technologies numériques et également de comprendre comment ces usages peuvent influencer leur vie avec la maladie chronique. Deux spécificités se dégagent de l’étude : la première concerne la mesure de trois technologies numériques, c’est-à-dire internet, les applications mobiles et les objets connectés ; la seconde vise la mesure de l’impact des usages sur des variables liées à la santé des malades chroniques, le degré d’expertise par rapport au traitement, l’empowerment (autonomie dans la gestion de la maladie), le sentiment d’auto-efficacité dans la gestion de la maladie, la qualité de vie liée à la santé ou encore la qualité de la relation au médecin.
Grâce aux résultats obtenus, trois profils d’utilisateurs ont été mis en évidence chez les répondants : les hyperconnectés (utilisateurs réguliers d’Internet, d’applications mobiles et d’objets connectés, de manière intensive), les biconnectés (utilisateurs fréquents d’applications mobile et d’Internet, objets connectés exclus) et les hypoconnectés (utilisation rare d’applications, d’Internet ou des objets connectés).
De manière contre-intuitive, ce ne sont pas forcément les « jeunes » (25-34 ans) qui sont les hyperconnectés. Les hyperconnectés ont à 40% entre 50 et 70 ans.
Les réseaux sociaux, source d’information privilégiée :
Selon le rapport final de l’étude, « Les réseaux sociaux sont le premier type de sites visité, et sont préférés aux sites institutionnels, sites spécialisés en santé ou encore aux forums ».
Tout d’abord, Internet est très utilisé comme source de renseignements par rapport à la maladie : uniquement 2,4% des répondants ont déclarés ne jamais l’avoir utilisé dans cette optique. En observant les diverses caractéristiques des individus ayant participé à l’étude, on voit que l’utilisation quotidienne d’Internet en ce but est plus importante pour les patients récemment diagnostiqués (40,6% contre 26,1% pour l’ensemble des répondants). Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que la recherche d’informations sur le net est cruciale peu après le diagnostic, résultant d’un besoin d’en savoir plus ou d’échanger à ce sujet.
C’est en observant de plus près les habitudes de ces internautes que nous découvrons la prédominance des réseaux sociaux. Environ 50% des patients admettent souvent s’informer sur ces derniers et sur les réseaux sociaux d’associations, cette fois-ci à hauteur de 60%.
Ce sont « des lieux de partage communautaire des expériences individuelles de la maladie chronique ». Ce qui est principalement recherché reste les témoignages et expériences d’autres malades, dont le degré de confiance associé est d’environ 73%. Plus rarement, les patients s’intéressent aux dispositifs d’aide financières, à l’aspect juridique touchant à la maladie, aux établissements et professionnels de santé. L’aspect communautaire de l’échange entre malades chroniques est donc clairement mis en évidence par l’étude et l’ICA s’y intéresse de près. Elle appelle d’ailleurs les associations à « travailler sur les informations essentielles au parcours de vie des personnes concernées » sur les différents sites web.
Empowerment, meilleur suivi, questionnement : Que retenir de cette étude ?
Selon 60% des répondants, l’utilisation d’internet, des applications mobiles et des objets connectés leur permet de « sortir de l’isolement ». Le bénéfice se retrouve aussi dans le dialogue avec le médecin, renforçant selon 37% des individus interrogés leur relation de confiance avec ce dernier. L’autonomie dans la gestion de la maladie (empowerment) se retrouve aussi renforcée selon une grande partie des hyperconnectés.
Concrètement, l’ensemble de la technologie (Internet, application mobile et objets connectés) forment un nouvel accompagnant dans le traitement et non un obstacle au médecin. La relation se trouve renforcée pour les hyperconnectés qui s’investissent plus dans que les autres profils dans cette dernière. Cependant, pour 45%, il n’y a pas vraiment de bénéfice à tirer de la technologie numérique dans la relation avec le médecin qui resterait alors inchangée.
De plus, la recherche d’information sur sa maladie chronique reste complexe : 75% des répondants estiment qu’il est difficile de trier les informations fiables et 71% pensent que cette recherche d’information peut aboutir à de mauvais auto-diagnostics. L’avis d’un expert et donc le suivi du médecin reste indispensable.
Enfin, l’utilisation d’objets connectés, bien que largement moins importante qu’Internet, permet selon 45% des utilisateurs d’avoir un meilleur contrôle dans la gestion de la maladie et de son suivi et pour 43%, c’est un moyen de se rassurer. 37% des répondants restent en désaccord avec cette pratique qui leur ajoute une inquiétude supplémentaire au quotidien et un rappel de leur maladie.
Les technologies numériques ne sont donc pas un frein à la confiance qu’un malade chronique ou ses proches peuvent avoir en son médecin. Le vécu est simplement différent d’une personne à l’autre. Pour certains, ce sera un réel investissement dans une relation médicale durable avec une meilleure autonomie, une meilleure compréhension. Pour d’autres, les bénéfices à en tirer seront moindres. Une chose reste certaine : Internet représente un allié de taille dans le quotidien du malade chronique. C’est un réconfort, un lieu d’échange, une source d’information. L’utilisation des applications mobiles et des objets connectés reste certes marginale dans cette optique, mais le bénéfice à en tirer selon certains patients est non-négligeable. Le numérique est donc un atout qui doit être, dans le futur, ancré dans les pratiques de soins et qui permettra au malade de se sentir autonome, de comprendre mieux les tenants et aboutissants de son état de santé mais aussi d’échanger et finalement, faire partie d’une communauté rayonnant d’un réel soutien.
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